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Gestion de l’élève qui sur-existe à l’oral

Le premier élève qu’on doit gérer dans la classe la première heure et le premier jour, c’est lui. Je parle de l’élève qui sur-existe à l’oral. Il est facile à repérer, je vais lister ses caractéristiques pour faire le diagnostic et mesurer les risques à le laisser sans un cadre approprié. Après quoi, j’expliquerai comment je lui permets de s’intégrer harmonieusement dans le groupe classe.

Comment reconnaître l’élève qui sur-existe à l’oral ?

Il ne lève pas la main, il parle directement.

Il peut parfois lever la main, mais en ajoutant “Madame, madame, madame, madame !” pour attirer l’attention.

Il parle à tort et à travers, à haute voix.

Il a envie de prendre la parole dans le collectif à chaque séance.

Il râle ostensiblement quand on ne l’interroge pas, surtout quand il pense pour une fois à lever la main.

Il peut faire des digressions gênantes et chronophages quand il a la parole légitimement.

Il ajoute comme préambule “Madame, je voulais vous poser une question.”

Il envahit tout le groupe en coupant la parole à tout le monde.

Quels sont les risques si on ne gère pas ce type d’élèves ?

Il est présent dans toutes les classes, ce profil est très commun. Si on n’a pas de façon de l’aider efficacement, toutes les heures de cours sont impactées.

Il peut être usant et se pénaliser lui-même sans s’en rendre compte. Ce que le prof perçoit comme de la bonne volonté au début d’année se transforme vite en agacement à son égard. Il peut cristalliser de la frustration, de la mauvaise humeur du prof qui réagira trop fortement envers lui.

Il va falloir le recadrer ou le punir constamment (à chaque heure !) sans une bonne gestion.

Il peut développer un sentiment d’injustice surtout qu’il se considère comme un élément positif qui participe et s’intéresse. “La prof ne m’interroge jamais !” “C’est toujours moi qui me fais punir, pourtant je participe !” Il entend constamment de la part des adultes qu’il doit poser des questions quand il ne comprend pas et participer… et c’est ce qu’il fait en effet. A moi de lui enseigner comment le faire.

Il peut faire école auprès des autres si on ne le stoppe pas. Tout le monde va considérer que le mode de prise de parole que j’ai accepté tacitement, c’est couper la parole ou se mettre en avant. En peu de temps, la classe peut se transformer en combat de boxe verbal, y compris pour moi ! Les élèves discrets ou plus fragiles vont grandement pâtir de cette dérive.

Comment permettre à l’élève qui sur-existe à l’oral de s’intégrer harmonieusement ?

Je commence par lui enseigner le cadre de façon neutre et non agressive très tôt dans l’année, souvent pendant la première heure.

Je sais qu’il veut bien faire, il ne faut pas gâcher cela. Il a aussi besoin de beaucoup d’attention de l’adulte.

Au lieu de : “Jean-Vahissant, tu n’as pas levé la main, donne-moi ton carnet.”
Je préfère : “Jean-Vahissant, je suis contente de voir que tu veux vraiment participer mais je t’interrogerai seulement si tu attends ton tour en levant la main. Tu es averti.”

Mes élèves savent que, si je les avertis plusieurs fois dans une séance, il y aura une conséquence. C’est sans équivoque. Je fais attention à adopter un ton très sincère pour ne pas qu’il en fasse une histoire personnelle et que cela reste vraiment constructif. Souvent, la fois qui suit immédiatement cette remarque, il s’applique vraiment à lever la main. C’est bien de le remarquer explicitement, mais il ne faut pas pour autant l’interroger. “J’ai vu que tu as bien fait ce que je t’ai demandé, je suis contente.” Je prends bien soin d’interroger quand même quelqu’un d’autre car il a déjà eu un tour de parole. Avoir réussi à lever la main ne lui donne pas un passe-droit automatique pour avoir un second tour avant les autres. Je lui donnerai la parole un peu après.

 

J’utilise de la communication non verbale pour les écarts suivants au lieu de me répéter.

S’il oublie à nouveau de lever la main (et cela va arriver immanquablement), je lève la main moi-même en le regardant pour lui montrer ce que j’attends de lui, ou bien je mets mon doigt sur ma bouche pour faire chut en le regardant directement. Je ne manque pas de lui donner un avertissement. En général, il a un mouvement du corps et du visage qui signifient “Ah, oui j’avais oublié, désolé.” et il rectifie. Je ne réexplique pas en détails pourquoi je l’avertis une fois que le message est bien passé. Ce serait une perte de temps. Il faut l’avertir et passer aux conséquences si le comportement persiste. Ce sera l’objet d’un entretien de fin de séance.

 

Je ne cède pas à l’envie de l’écouter quand il parle à la cantonade.

Cet élève va souvent sautiller sur sa chaise pour parler tellement il en a envie. S’il dit tout haut sa phrase, ça peut être tentant de se dire :

”C’est pas grave, c’est bien que quelqu’un ait autant envie de participer donc je l’écoute quand même pour l’encourager.”
Ou bien “Personne d’autre ne veut répondre, tant pis, je le laisse agir ainsi. Ca m’arrange que quelqu’un réponde de toute façon.” C’est une stratégie très glissante à moyen terme pour les raisons décrites plus haut.

Je préfère être très systématique et avertir l’élève à chaque fois pour arriver à une réelle amélioration dans la durée.

 

Je lui propose un exutoire et un petit moment individualisé.

“Jean-Parenthèse, je vois que tu as encore des questions, je passerai te voir pendant la phase d’exercices car ça ne concerne pas forcément toute la classe.”

 

J’accuse réception de son intention et pas forcément de ses paroles.

Si plusieurs élèves ont levé la main, dont Marie-Bruyante, il peut arriver qu’il y ait des déçus quand je donne la parole à l’un d’entre eux. Ils se tortillent sur leur chaise ou ont un geste de découragement. Marie-Bruyante est souvent très sensible quand ce n’est pas elle qui a répondu et c’est ce qui déclenche parfois le commentaire : “La prof ne m’interroge jamais”. Je m’adresse un par un à ceux qui avaient la main levée (et bien sûr à Marie-Bruyante en particulier) pour leur dire :

“C’était aussi ton idée ?”.

Ils acquiescent de la tête et cela répare un peu la déception de ne pas avoir été celui qui a donné cette bonne idée à la classe. Je suis en général récompensée par un sourire.

 

Je botte en touche pour le bien de la classe.

Si je soupçonne l’élève d’être sur le point de faire une grosse digression gênante, je lui propose de venir m’en parler à la fin de l’heure. Je n’hésite pas à le formuler ainsi “C’est intéressant mais la réponse à cette question ne concerne que toi, donc tu peux m’en parler à la fin de l’heure. On va continuer avec le sujet qui concerne toute la classe car les autres attendent.” Il a besoin d’entendre qu’il n’est pas tout seul mais dans un groupe. Cela sous-entend une autre façon d’interagir, une autre place et la considération de chacun. S’il ne vient pas à la fin de l’heure me parler de son idée ou de sa question, c’est que ce n’était pas si important que cela pour lui. S’il vient, il est content que je prenne le temps de l’écouter et je peux le faire sans nuire à la classe. Il me fera confiance les fois suivantes quand je lui dirai d’attendre.

 

Je pratique le blablabla avec lui en dehors des cours.

Je bavarde un peu avec lui de temps en temps en fin de séance ou quand je le croise dans le collège en dehors des cours. En général, il est force de proposition sans que j’ai besoin de pousser beaucoup pour les sujets de conversation : foot, série TV, chaîne YouTube,…

Cela lui permet de tisser le lien direct dont il a besoin d’une façon positive et non par les punitions récurrentes qu’il aurait pu recevoir. Et au passage, cela me fait du bien aussi !

AVANT-APRÈS dans mes classes :

Pendant mon année de stage, j’ai passé un temps fou et beaucoup d’énergie à essayer de faire taire Jean-Braille sans succès. Je l’ai grondé, puni, collé, envoyé dans la salle d’un collègue… Je n’y suis jamais arrivée. Les élèves de la classe m’ont trouvée injuste et sévère et ils avaient raison. Le climat de classe était tendu à la fin de l’année. Pourtant je voulais bien faire pour la classe. En m’y prenant mal, cela s’est retourné contre moi.

Depuis j’ai appris à mieux gérer ce genre de situations. Voici ce qu’il s’est passé tout récemment, après avoir appliqué soigneusement toutes les techniques que j’ai expliquées plus haut à Jean-Hyperactif. Il m’a dit : “Madame, c’est bizarre, vous ne criez jamais, pourtant, c’est avec vous que je suis le plus sage.” Ces stratégies sont subtiles et parfois invisibles pour les élèves. Et elles sont efficaces ! Je ne reviendrais pour rien au monde en arrière.

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